Lettre ouverte aux étudiants

Chères étudiantes, chers étudiants,

Les professeurs-es de l’UQAM ont voté vendredi dernier (le 27 mars) en faveur d’une nouvelle période de grève, cette fois jusqu’au lundi 6 avril, jour de la prochaine assemblée générale. Et ce résultat a été obtenu cette fois à 91% des votes. C’est le pourcentage le plus élevé de tous les votes de grève avec une progression de 15% depuis le premier vote mais aussi celui qui a recueilli le plus grand nombre de votes en faveur de la grève. Une belle preuve que nous sommes déterminés.  Tout en respectant l’ordonnance d’injonction émise contre le SPUQ à la demande de l’UQAM, l’objectif consiste à faire la grève la plus dure, la plus visible possible afin qu’elle soit la moins longue possible. Pour ce faire, il importe de gêner au maximum les activités de la direction de notre université. Les associations étudiantes qui ont voté en faveur d’une semaine de grève (voire déjà deux pour l’AFÉA) l’ont bien compris. Même l’association des étudiants-es des sciences de la gestion a voté en faveur d’une journée de grève jeudi dernier et vient de reconduire cette grève jusqu’au 7 avril. C’est dire !

Il importe ici de rappeler que nous nous battons pour que la direction de l’université accepte enfin de nous proposer une offre suite à nos demandes dans le cadre du renouvellement de notre convention collective, cette dernière étant échue depuis environ 22 mois. Pendant des mois, l’absence de négociation a été expliquée par les problèmes financiers du complexe des sciences et de l’Ilôt Voyageur (rappelons ici que les représentants-es des professeurs-es mais aussi des étudiants-es ont condamné ces projets). Ensuite, la direction a prétexté qu’il fallait attendre l’étude d’étalonnage (…) consacrée aux salaires et aux charges de travail des professeurs-es. Tout cela pour apprendre il y a une dizaine de jours que nous avions des salaires de 10% inférieurs à ceux des autres universités du Québec.  Cet écart est encore plus grand lorsque nous nous comparons aux trois autres universités de la métropole. Pourtant,  l’étude affirme aussi que nous travaillons autant que nos collègues des autres universités. Merci mais on le savait déjà. D’ailleurs, cette étude s’est ajoutée à de nombreuses autres, totalisant une dizaine de millions de dollars de dépenses pour l’UQAM et tout autant de revenus pour des firmes privées de conseil et de marketing.

Et maintenant, que se passe-t-il? Comme vous le savez sans doute, depuis le début de la grève, le Ministère de l’Éducation, du Loisirs et du Sports est devenu le troisième acteur de l’histoire en disant que nos revendications de création de postes et d’augmentation de salaire ne pouvait aboutir faute d’argent. Pourtant, au même moment, une somme de 305 millions de dollars a été débloquée en faveur d’une société d’État, Loto Québec, pour le casino de Montréal. La société québécoise estimerait-t-elle plus important d’investir dans le jeu que dans le système éducatif? Il faut aussi mentionner le choix de financer, dans le cadre du dépôt récent du budget, les nombreuses infrastructures routières qui contribueront à augmenter le trafic routier, la pollution et à accélérer le réchauffement climatique. 

L’enjeu principal est donc le financement enfin juste et équitable pour l’UQAM, celle-ci ayant toujours été défavorisée par rapport aux autres universités québécoises pour plusieurs raisons, notamment le fait que c’est une université en grande partie tournée vers les sciences sociales et humaines ainsi que vers les arts. Or, le financement des universités comprenant des facultés de médecine et de génie est plus important. De plus, environ la moitié des étudiants-es fréquentant l’UQAM le font à temps partiel et doivent travailler pendant leurs études. Or, le financement par le budget public d’un-e étudiant-e à temps partiel est deux fois moins élevé que celui pour un-e étudiant-e à temps complet mais il ne coûte pourtant pas deux fois moins cher. Ajoutez à cela que l’UQAM a été fondée à l’origine pour ouvrir l’université à une population étudiante d’origine plus modeste qui n’avait pas accès aux autres universités du Québec et notamment de Montréal, ce qui fait en sorte que les frais afférents (les frais fixes sont fixés par le gouvernement du Québec pour toutes les universités de la province) y sont souvent moins élevés qu’ailleurs. Enfin, l’UQAM a mis historiquement l’accent sur les études de premier cycle afin justement d’ouvrir l’université à une population plus vaste. Or, le financement du gouvernement favorise désormais davantage les études de deuxième et de troisième cycles. Sur ce point, l’UQAM  est encore défavorisée par rapport aux autres universités avec 15% d’étudiants-es de cycles supérieurs contre 22% ailleurs. Depuis plusieurs années, les programmes de 2e et de 3e cycles ont été développés mais le retard est dû à la relative jeunesse de notre institution, qui fête ses 40 ans le 1er avril 2009.

Le sous-financement touche non seulement les professeurs-es mais aussi les chargé-es de cours, les membres du personnel de soutien, les étudiants-es employés-ées ainsi que l’ensemble des étudiants-es, donc vous toutes et tous. En ce sens, l’assemblée uqamienne qui s’est réunie jeudi dernier (le 26 mars) était tout à fait historique. Jamais auparavant ne s’était tenue pareille réunion dans l’histoire de notre université. Nous nous sommes alors rendus compte que nous partagions largement les mêmes problèmes. Pourquoi les salaires des professeurs-es et des étudiants-es employés-es sont-ils inférieurs à ceux des autres universités? Pourquoi le ratio professeur-e / étudiant-e est-il plus élevé qu’ailleurs?  Ces questions se sont toujours posées dans l’histoire de l’UQAM. Elles se posent avec une acuité particulière maintenant. Il est donc temps que cela cesse. Et vous y avez d’ailleurs tout à gagner. Les générations futures aussi!

Vous avez tout à gagner à avoir les meilleurs professeurs-es, qui font aussi de la recherche et de la création, ce qui permet de toujours améliorer le contenu des cours, à être le moins nombreux possible dans une salle afin de favoriser une pédagogie adaptée à chacun et chacune d’entre vous, à obtenir le meilleur service possible de la part du personnel de soutien, et à avoir de meilleurs salaires lorsque vous êtes embauchés en tant qu’étudiants-es. Mais pour cela, il faut que les négociations des trois syndicats, le SPUQ (nous), le SEUQAM (les employés-es de soutien) et le SÉTUE (les étudiants-es embauchés) aboutissent au plus vite. En fait, ce que l’on a senti jeudi, c’est que bien au-delà d’un simple slogan, l’UQAM, ce n’est pas la direction de l’université, l’UQAM, c’est l’ensemble des professeurs-es, des étudiants-es, des chargés-es de cours et des employés-es de soutien, l’UQAM, c’est nous !

Jusque là, le recteur Claude Corbo nous disait qu’il ne pouvait rien faire. Puis mercredi, il a presque reconnu que nous avions raison. Ce qui semble avoir déplu à Michelle Courchesne, la Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport d’après ce que nous avons pu lire dans le quotidien Le Devoir. Puis, la semaine dernière, la présidente du SPUQ rapportait à l’Assemblée Générale que lors d’une rencontre avec le recteur, il lui aurait avoué que si les choses pouvaient bouger, ce serait grâce à la grève. D’où l’importance de votre soutien moral mais aussi de votre participation aux activités de grève. D’ailleurs, l’université dans la rue qui se déroule cette semaine est exaltante. Alors, allez voir du côté du site https://spuqengreve.wordpress.com/ au cours des jours à venir pour en savoir plus. Participez! Et merci encore pour votre soutien ! Plus il durera, plus nous serons collectivement forts!

Éric George, professeur en grève

École des médias, Faculté de communication, UQAM