Pourquoi 300 nouveaux postes?

«On a un déficit d’au moins 300 professeurs. Nous devrions embaucher, à court terme, autour de 300 professeurs, tous secteurs confondus».

Cette affirmation n’est pas, à l’origine, une revendication syndicale mais le constat de l’ex-vice-rectrice aux ressources humaines de l’UQAM, Mme Ginette Legault, lors de la comparution de l’UQAM devant la commission parlementaire de l’Éducation, le 7 février 2007 — c’est-à-dire il y a plus de deux ans…

À plusieurs, une pareille affirmation paraîtra difficile à croire, tellement elle donne le vertige: l’UQAM, qui compte à l’heure actuelle environ mille professeurs et maîtres de langue, serait en déficit de près du tiers de son corps professoral!

C’est pourtant bel et bien la réalité que mettait en lumière le rapport de la firme comptable Price-Waterhouse-Cooper (p. 127) commandité à grands frais, on s’en souviendra, pour chiffrer un «plan de redressement» de l’UQAM.

Ce constat pourrait même être encore plus pessimiste: toujours selon ce rapport qui a coûté des millions à notre université (p. 125):«L’UQAM compte la plus grande proportion d’étudiants à temps partiel parmi les grandes universités québécoises, soit 46 % de ses effectifs étudiants de 1er cycle et 29 % de ses EEETP totaux (tous cycles confondus) [N.B. Le sigle EEETP signifie : effectifs étudiants équivalant à du temps plein.] Les EEETP constitués d’étudiants à temps partiel entraînent généralement des coûts académiques et administratifs plus élevés.»

Ainsi, non seulement l’UQAM souffre-t-elle de la plus forte proportion d’étudiants par professeur, au Québec, mais ce ratio est en outre composé d’un nombre encore plus grand d’étudiants à temps partiel. Or seule une vision statistique étriquée et une méconnaissance totale de la réalité pourraient soutenir qu’un étudiant à demi-temps, par exemple, ne sollicite que «la moitié» de l’attention pédagogique et de la gestion administrative que requiert un étudiant à temps complet. Impossible en effet de fonctionner en cohortes avec eux comme avec les étudiants à temps plein, ce qui impose nécessairement aux professeurs, comme au personnel de soutien de secrétariat, un encadrement plus complexe et une disponibilité plus grande.

Ce manque flagrant de professeurs engendre d’autres conséquences extrêmement fâcheuses que reconnaissait d’ailleurs le rapport de Price-Waterhouse-Cooper (p. 125): les étudiants de cycles supérieurs, en effet, pour lesquels les subventions du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport sont plus élevées, ne représentent que 16 % des effectifs de l’UQAM, comparativement à une moyenne de 22,2 % pour les autres universités montréalaises. Or on le sait, le financement gouvernemental favorise les cycles supérieurs. Et l’on sait aussi que le manque de professeurs réguliers entraîne une plus faible capacité d’encadrement d’étudiants aux cycles supérieurs. Aggraver la pénurie de professeurs ne pourra donc qu’accroître le déficit d’étudiants à la maîtrise et au doctorat, d’autant que le sous-financement de notre université frappe également l’appui financier nécessaire au recrutement des étudiants aux cycles supérieurs.

L’équation est impitoyable: moins de professeurs => moins de capacité d’encadrement => moins d’étudiants aux cycles supérieurs => moins de subventions du ministère de l’Éducation.

Moins de profs => UQAM plus pauvre.

Pour une approche comptable des choses, 300 nouveaux postes de profs, c’est un coût, une dépense — voire un luxe. Pour le bon sens, c’est un investissement payant pour tout le monde — à commencer par les étudiants qui paient les mêmes frais de scolarité pour moins de profs que les autres.